Le boom de l’Ultrafond
Publié le jeudi 11 septembre 2008 à 12h54min
Pour certains mordus de course à pied, courir un marathon ne suffit plus. Ils préfèrent se lancer sur des épreuves longues distances. Sport vous emmène à la découverte de l’ultrafond, une discipline en plein boom.
Si l’on part du principe qu’un kilomètre à pied use les souliers, on peut logiquement conclure qu’une course de 100 km, 250 km ou de 24 heures, vous réduit en bouillie la plus solide paire de godillots. En France, ils sont pourtant 1500 "serial shoes killers" à pratiquer l’ultrafond. Ces épreuves, dont les distances sont supérieures au marathon, séduisent de plus en plus de joggeurs. Courir pendant une journée non stop ne les effraie pas, loin de là. "L’ultrafond, c’est plus facile qu’un marathon, puisque c’est moins rapide", rigole Yannick Djouadi, 35 ans, champion du monde 2006 des 100 km. Moins rapide certes, mais beaucoup plus long ! Pascal Giry, le nouveau champion de France des "100 bornes", sacré il y a quinze jours sur les routes de Sologne, a tout de même mis 7 heures, 4 minutes et 54 secondes pour boucler le parcours, soit une moyenne de 14,10 km/h. Le dernier des 329 participants a terminé juste dans les délais, en 15 heures et 21 minutes.
Le mur des 60 km
Chaque année, il se déroule en France une douzaine de 100 km et une quarantaine de 24 h, les deux épreuves majeures de l’ultrafond. Sans oublier les 6 h d’Auxerre, les 12 h de Rennes ou encore les 48 h de Royan... Bref, il y en a pour tous les goûts. "Ce qui est vraiment génial dans l’ultrafond, c’est l’ambiance. Ce n’est pas comme sur les petites courses, où il y a toujours une rivalité, raconte le champion de France Pascal Giry. Là, on est tous dans la même galère". La galère, un "100 bornard" la connaît entre le 60 ème et le 70 ème kilomètre, à l’instar du "mur du 30 km" en marathon. Crampes, maux de ventre, ampoules... La souffrance devient intolérable. "Quand je commence à avoir mal, je me dis : "Allez, plus que trente kilomètres !", raconte Brigitte Bec, 44 ans, recordwoman de France des 24 h. Il faut arriver à maîtriser la souffrance en rentrant dans sa bulle et en écoutant son corps en permanence. Et les kilomètres, ils passent..."
Les jambes et la tête
Les moments d’intense douleur alternent avec des phases d’euphorie, générées par une intense fatigue, durant lesquelles on a l’impression de courir vite sans avoir mal : l’ultrafondeur doit savoir jongler entre ces différentes sensations. "Pour moi, l’ultrafond, ça se joue à 60 % dans la tête et à 40 % au physique", poursuit Brigitte Bec. En moyenne, 18 % des concurrents d’un ultrafond abandonnent, le plus souvent quand ils sentent qu’ils ne respecteront pas les délais. "Pour être un bon ultrafondeur, il faut avoir plus de 30 ans, car avant, on a encore tendance à se comporter comme un chien fou", analyse Fabrice Simoes, l’organisateur de courses. Avec l’âge, les concurrents apprennent en effet à mieux gérer leur rythme cardiaque, qui doit se situer entre 120 et 140 pulsations minute, leur alimentation, qui doit être sucrée au départ et salée après 50 km et leur hydratation, où il faut avaler des litres d’eau, de boissons gazeuses et même un peu de bière pour faire fonctionner les reins ! En ce qui concerne l’entraînement, chacun a sa méthode. Musculation, gainage, vélo, natation : les ultrafondeurs multiplient l’exercice pour améliorer leur endurance.
Des médecins partagés
Ces centaines d’heures d’entraînement annuelles leur permettent de s’aligner, au grand maximum, sur... deux courses chaque année, auxquelles il faut ajouter un ou deux marathons, histoire de garder la forme ! Si les ultrafondeurs ne disputent pas plus d’épreuves, c’est que les courses longues distances ne sont pas très recommandées par le corps médical. les médecins partagés. "L’activité physique est un facteur de santé indiscutable, mais pas plus de cinq heures par semaine. Donc avec l’ultrafond, on est sur des distances qui commencent à poser problème, souligne le professeur Rochcongar, président de la Société française de médecine du sport. Il ne faut pas répéter trop souvent ce genre d’efforts, car les tendons, les muscles et les cartilages souffrent énormément". Ces souffrances répétées peuvent causer des séquelles à long terme. Durant les compétitions, les coureurs peuvent aussi être victimes de coups de chaud, de déshydratation ou d’infarctus.
Le manque de sommeil peut aussi se faire sentir dès que l’on dépasse les 24 h de course. Et dormir en courant peut s’avérer dangereux. "Ce n’est pas plus fou de faire 100 km que de ne rien faire du tout, tempère Frédéric Fauquenoi, kiné de la Fédération française d’athlétisme. Le corps a les aptitudes pour encaisser ce genre d’efforts à partir du moment où il est entraîné pour". Sur chaque course, le service médical déployé est néanmoins impressionnant. Aux 100 km de Millau, "la Mecque" de l’ultrafond, une cinquantaine de médecins, secouristes, infirmières et podologues sont mobilisés. Si le corps des ultrafondeurs est bichonné, ce n’est pas vraiment le cas de leur portefeuille. Dans l’ombre des stars de l’athlétisme, ils évoluent tous dans l’amateurisme le plus complet, se contentant de quelques coupes ou médailles. Même pas de quoi se racheter une nouvelle paire de pompes...
* Par Aurélie Beaudouin
Voir en ligne : Myfreesport
Un message, un commentaire ?
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.